Message sur un téléphone : les reseaux sociaux mettent à mal votre santé mentale
Articles

La désillusion des réseaux sociaux

Il y a ceux qui arrivent à avoir un usage modéré des réseaux sociaux et ceux qui s’y font bouffer le cerveau. Je dois être un peu schyzo : je suis personnellement modérée mais professionnellement accro. Facebook gère une page officielle. LinkedIn nourrit mon égo. Tiktok m’a presque coûté mon âme. Et X, dépotoir du monde, ô grand jamais. Instagram est donc devenu ce réflexe qui me cueille dès le matin. 

Les réseaux sociaux influencent régulièrement nos choix et nous lient à un monde virtuel doux-amer. Il y a ceux qui gardent un lien avec leurs proches, ceux qui y suivent l’actualité, promeuvent leurs projets où en font leur calendrier événementiel. Il y a ceux qui scrollent sans cesse, ingurgitant des secondes pendant des heures pour dissiper l’ennui. Ceux qui stalkent et rêvent à une autre vie. Il y a ces narcissiques qui partagent l’idéal inexistant de leur vie ou les humains sandwiches des temps modernes. Il y a aussi ceux qui recherchent la validation d’inconnus, qu’ils identifient comme une forme de réussite. Et il y a ceux qui sont tout à la fois et/ou qui nous ressemblent beaucoup, parfois. Ne nous leurrons pas. 

Initialement, j’ai envisagé Instagram comme un moyen de promouvoir mon blog. Me disant par là-même que je parviendrai à constituer une communauté de lecteurs. Maintenant que je l’écris, je trouve ça con. “A l’ère de la micro-concentration, l’image est impératrice. Trente secondes et on passe à la suite.” A part les “bookstragrammeurs”, qui lit encore ? Et pire, qui lit encore des blogs ?

Est-ce la “mode” de faire une “pause réseaux sociaux” pour préserver sa “santé mentale” ? J’ai lu qu’on a pas assez de recul pour comprendre l’impact des réseaux sociaux sur le cerveau mais que des études suggèrent qu’il existe des affects négatifs liés aux “habitudes fortes et déjà bien ancrées, à la disponibilité permanente des technologies, à l’attrait considérable des activités pratiquées du fait du coût peu élevé pour les pratiquer.” Un shot de dopamine, tout de suite, plusieurs fois et sans efforts.

Les réseaux sociaux, en particulier Instagram, sont des univers où la quête de visibilité se mêle à une pression constante. User de stratégies obscures ou trimer. L’espoir de triompher tel un preux chevalier sur son blanc destrier, j’ai décidé de travailler à la sueur de mon front. J’ai mis en branle une véritable étude de marché pour enfanter d’un projet esthétique cohérent, singulier, qui se démarque de la concurrence et apporte de la valeur à mon coeur de cible. Mais le résultat s’est avéré autrement.

J’ai commencé à regarder les autres comptes, prétendument similaires au mien. C’est stimulant d’analyser les qualités et les défauts mais ça devient vite un jeu toxique. La pente est glissante, le jugement et la critique sont acerbes. Soit ça dégouline de romantisme, ça dégueule le positif, overdose de paillettes, soit c’est déprimant à souhait, envie de se flinguer, réceptacle de la névrose du monde.

On entre en compétition et on médit : 1600 réactions en publiant “son sourire” ou 140 euros la page de livre avec du marqueur noir laissant apparaître 3 mots. What the F…? Achetez vous un marqueur, allez à la bourse aux livres et faites votre propre haïku, ça vous coûtera 10 euros à tout casser, le prix du cadre inclus. Et voilà qu’on rumine : pourquoi lui et pas moi ? Que quelque chose d’aussi “simple”, presque du “foutage de gueule”, récolte autant de succès m’échappe. Mais parfois, on est obligé d’admettre que les autres ont raison ou qu’on ne comprend pas. Après tout, est-ce qu’on veut comprendre ?

Patience et persévérance sont les maîtres mots dans cet univers de storytelling, de vies scénarisées, de contenu utilisé, réutilisé et copié. Le compteur de followers ne grimpe pas mais la frustration pète le score. Le manque de retours entraîne de la frustration et alimente un cycle de pensées négatives et d’autodépréciation.

La nécessité de créer du contenu de qualité à un rythme effréné s’impose vite. Vite, des likes ! Des publications agrégées les unes aux autres deviennent la vitrine de qui vous êtes : « s’ils aiment ce que je fais, j’ai de la valeur. » On s’érige des règles de conduite de peur de tomber dans les mauvaises grâce de Monsieur l’Algorithme. L’inspiration est fulgurante, la création gratifiante. Quand elles s’absentent, demeurent la contrainte du nombre, du timing et de la qualité. Alors on publie ce qu’on a sous la main, on limite la casse, insatisfait. Publier chaque jour devient une source de stress plutôt qu’une opportunité de partage authentique.

Commenter par calcul, sans véritable intérêt, a dénaturé mon expérience en ligne. Pourtant être lu fait émerger la promesse d’un nouvel abonné : le secret d’une idylle amicale. Créer du lien pour constituer une communauté engagée. Faut-il parler des comptes qui vous suivent pour que vous les suiviez ou de ceux que vous suivez pour qu’ils vous suivent ? De votre feed qui s’enlaidit. Ces publications qui vous font marrer et vous dépriment en un swipe : secousses émotionnelles. De ceux qui déversent leur haine parce qu’être anonyme désinhibe. De ceux qui likent frénétiquement 30 publications sans même savoir ce qu’il y a dedans : donner pour recevoir.

Vient ensuite le désir de se désabonner et la crainte de perdre un follower durement acquis. La culpabilité de ne pas rendre la pareille. La sensation d’être coincé. Et puis, que faire de la détresse d’autrui ?  L’empathie d’Instagram est sans faille, la création de lien capitale : voici les « canaux de créateurs ». Mais quel lien ? Que reste-t-il qui n’ait pas déjà été partagé en stories, en live, en réel ou sur le feed ? Allons-nous passer nos journées à scroller, commenter le virtuel, spectateurs de nos propres réalités et accros notoires ?

J’ai cru que la publicité payante aurait été salvatrice mais une fois qu’on paie, Instagram en veut plus et nous aussi. On veut des bonnes statistiques, de la popularité, une validation externe : ça nous valorise, ça nous galvanise. A l’inverse, ça nous décourage, ça fait mal à l’estime de soi. Entre la course aux followers, la pression pour publier régulièrement et l’obsession des statistiques, j’ai délaissé mon blog au profit de sa promotion. L’envie s’est envolée, le temps a trepassé : erreur d’organisation ou erreur de stratégie. Est-ce que toi aussi tu devines ce ressentis omniprésent en toile de fond ?

Normal. Les réseaux sociaux sont conçus pour être le plus addictif possible puisque leur business model est pensé autour de nous. Nous sommes le produit, ils monétisent notre temps, notre attention et nos données auprès de marques qui veulent influencer nos choix pour maximiser leurs profits. On nous pousse à y rester, à interagir, à y revenir à coup de notifications qui popent à n’importe quel moment. Notre attention se fragmente et notre capacité de concentration est altérée. On sent dans la poche d’irréelles vibrations. Dépendants du système de récompense sociale. 

Au bout du compte, j’ai réalisé qu’Instagram n’était pas, pour moi, un espace de création, d’inspiration, d’échanges mais un réseau social chronophage et anxiogène. Un fardeau. Ça semble extrême mais c’est mon ressenti. Comme Katryna j’ai décidé de me détacher d’Instagram, je ne sais pas si c’est la meilleure décision de l’année 2023 mais ce qui est sûr, c’est que libérée de ce carcan, je me sens plus légère. La décision de fermer mon compte instagram m’a permis de revoir mes priorités, reprendre la gestion de mon temps libre, redécouvrir le plaisir d’écrire sans pression ni contrainte.

Finalement, est-ce qu’Instagram m’apporte plus de positif que de négatif ? C’est ce que je me suis demandé. Un peu comme j’aurais pu m’interroger sur une relation nocive. La réponse est non : ça ne m’apporte rien, ça ne m’empêche pas de m’ennuyer, ça ne me divertit pas, ça ne me contente pas. On m’abreuve de publicités dont je n’ai rien à faire. Je me sens souvent frustrée, parfois même, je me sens déprimée mais on ne va pas tout imputer à Instagram.

Faut avouer que regarder la vie pseudo parfaite des autres alors qu’on est sur son canapé, pas coiffé et en pilou pilou ne réconforte pas, quand bien même on sait que cette réalité est tronquée et illusoire. Des automatismes bien ancrés m’y emmenaient plusieurs fois par jour, la curiosité, le vide et l’ennui aussi. Parfois je me demande par quoi je vais remplacer ça. Peut-être que ça me permettra de reconsidérer mes relations familiales et amicales. Que je mettrais en place des petits rituels réconfortants. Peut-être aussi que je me rabattrais sur la télévision, qui sait ?

Crédit photo : Christopher Ott


Reçois dans ta boîte mail

Les Prochains Articles Inspirants !

One Comment

En savoir plus sur Billets d'humeur

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading